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Nathanaël Dupré La Tour, Au seuil du monde et Une année au foyer

(Le Félin, 2013 et 2014)

Au mois de mai 2013, un accident emportait Nathanaël Dupré La Tour. En évoquant ses deux derniers livres, nous voulons saluer la mémoire de cet esprit vif et engagé, auteur du remarqué L’esprit de conservation en 2011 où il développait une salutaire distinction, pour nos temps troublés, entre la réaction – souvent peu féconde – et la conservation – salutaire et éclairante. Le conservateur est marqué au coeur par une inquiétude, un sens aigu de sa finitude : « Être conservateur, écrivait-il, c’est d’abord se savoir périssable. »

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Au seuil du monde (Le Félin, 2013) 
« La vocation du cénobite est de chercher Dieu sans intermédiaire. Celle du gyrovague de chercher tous les intermédiaires qui pourront le détourner de Dieu. » Telle est l’opposition qui structure ce « carnet de route » spirituel, entre la vie du gyrovague que nous sommes devenus, sans lieu, sans heures, et celle des hôtes de ce monastère bénédictin, en Champagne. L’auteur, cadre suractif d’une entreprise à laquelle il est lié par tous les moyens de communication, par la pression des deadline, même la nuit, même les jours fériés, entreprend une lente et nécessaire reconquête du temps : « La conversion véritable est dans ce rapport au temps, et donc à l’être tout entier, qui consiste à s’arrêter pour écouter, à se rendre disponible, attentif à ce qui nous entoure. Le temps nous est donné, il ne nous sera pas repris. »
Le gyrovague post-moderne sera amené sur ce chemin de conversion par des accidents, des failles dans la course incessante, le faux pas qui fait toucher terre. Il ré-apprend à marcher dans le face à face avec un moine, mais aussi avec le monastère – ce « seuil du monde » –, et avec ses institutions – la langue latine, le grégorien, la liturgie, les Heures – qui lui permettent de se déprendre de lui-même, de se « défragmenter » et retrouver une unité de vie. Là, il retrouve une voie pour la vie, pour accueillir le temps comme un don et non comme un manque.

Ce récit d’une grande limpidité est remarquable car il est touche au cœur de la principale maladie spirituelle contemporaine – l’accélération – et car il montre que les moyens d’en guérir n’ont pas besoin d’ésotériques méthodes mais d’une ascèse du regard, voie et effet d’une conversion du cœur.
Un petit livre à donner et à re-donner.

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Une année au foyer (Le Félin, 2014) est d’une autre tonalité, témoignage de la qualité de plume de Nathanaël Dupré La Tour. Ce livre fait sourire, souvent, rire aussi, tant les déboires de ce jeune père par intérim rappelleront des souvenirs à ceux qui ont eux aussi fait l’expérience de la paternité au quotidien, pas celle des magazines, ni des divans de psychanalyse ou des soirées entre amis. Non. celle du congé parental, cette part d’éducation que tant de mères connaissent et si peu de pères.

Avec gourmandise (mais sans aucune méchanceté), l’auteur pourfend bien des pédants de l’économie, de la psychologie, de la pédagogie, de la « parentalité », tout en sachant avec une réelle tendresse dire toute la vérité en actes que constitue la vie du foyer et de celles et ceux qui en entretiennent, au jour le jour, la flamme : « Le foyer est l’axe du monde, il fait se rejoindre la terre et le ciel, les mortels et le divin. »

Et Nathanaël Dupré de conclure dans un admirable dernier chapitre, les armes de la dérision et les charmes de l’autodérision posés à terre : « Si comme je le crois la première trahison des clercs est la trahison de leur incarnation, la paternité est une voie vers le recouvrement d’une vérité première – il y a plus de choses au ciel et sur la terre que dans toute votre philosophie. Car l’enfant vous rappelle à chaque instant que vous vous situez quelque part entre la terre et le ciel, et le vérifie régulièrement. »

Au premier abord, ces deux essais sont très différents par leur tonalité, par leur écriture. Et pourtant, les deux parlent de la même chose, de la même sagesse : celle du mouvement paradoxal du retrait et de l’incarnation qui, seul, nous ramène à notre humanité.

 

Franck Damour

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