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Les clefs de la Synagogue

Gérard CHOLVY, Marie-Benoît de Bourg d’Iré (1895-1990). Un fils de saint François « Juste des nations », Cerf histoire, 2010

4000 ? 4500 ? De combien de sauvetages de Juifs pendant la guerre fut-il exactement l’artisan, ce Pierre Péteul, fils d’un modeste meunier angevin, devenu Père Marie-Benoît chez les Capucins, auquel le professeur Cholvy consacre cette biographie très complète ? « Père des Juifs », « résistant sous le froc », « roi des faussaires », comme le présentèrent quelques articles de l’immédiate après-guerre, mais aussi intellectuel et directeur spirituel versé dans la tradition « séraphique » de son Ordre, il fut évidemment l’un des premiers reconnus par le mémorial Yad Vashem parmi les « Justes des nations » : dès 1964, et le septième d’origine française. Mais le champ d’action de Marie-Benoît et de ses réseaux ne fut pas simplement Marseille, où il séjourne parmi les milliers de réfugiés de juin 1940 à 1942, puis Nice et la zone d’occupation italienne où l’œuvre de résistance et de secours trouve plus de facilités une fois la zone « libre » occupée ; en juin 1943, il revient s’installer à Rome où il avait déjà passé, comme élève puis comme professeur du Collège international des Capucins de la Via Sicilia, le gros de l’entre-deux-guerres : à côté d’autres prêtres comme Don Pappagallo, tombé en mars 1944 parmi les massacrés des « fosses ardéatines », ou comme le prélat irlandais O’Flaherty (1898-1963), incarné par Gregory Peck en 1983 dans La Pourpre et le Noir, son nom reste donc attaché au sauvetage de la communauté juive de la « Ville éternelle », durant les neuf mois sanglants d’occupation nazie, de septembre 1943 au 4 juin 1944. L’anecdote, reconnaît prudemment notre auteur, a sans doute été enjolivée en « légende dorée » (p.204) ; elle ne manque cependant pas de fond historique : le 8 juin 1944, comme les membres préservés de la communauté juive décimée sortaient des catacombes, personne ne savait où retrouver les clefs de la grande Synagogue profanée, sinon ce Padre Benedetto, qui fut mis à l’honneur. Donnons aussi à ces « clefs » une portée plus symbolique : qu’est-ce qui dans le parcours de Marie-Benoît avait pu le préparer à ce rôle  ? Non pas qu’il faille l‘imaginer comme un marginal isolé : il n’aurait d’ailleurs pu ni cacher, ni exfiltrer personne, s’il n’avait eu l’appui au moins tacite de ses couvents successifs et s’il n’avait bénéficié dans d’autres Ordres de nombreuses complicités de religieux, de religieuses. Par la précocité et l’efficacité de sa compassion agissante, et par son intégration aux réseaux de résistance israélite, il n’en fut pas moins un phénomène rare, que l’enquête minutieuse de G. Cholvy s’est efforcée d’éclairer. La tâche était difficile : retranché derrière la barbe fournie caractéristique de son Ordre, le capucin n’a jamais été porté à l’épanchement, et ses carnets ont toute la sécheresse et les lacunes des simples agenda. Mais avec son savoir faire bien connu, G. Cholvy fait parler tous les détails de la fresque : la vocation mûrie dans le contexte anticlérical de la Séparation et l’exil en Belgique de son couvent de formation le préparaient sans doute à la résistance aux lois injustes ; l’épreuve de la Grande Guerre qui lui fit passer près de cinq ans sous les drapeaux, comme infirmier ou brancardier, exerça ses vertus héroïques ; et la compassion a évidemment part liée à la spiritualité franciscaine. Quant à son philosémitisme cependant, c’est dans sa culture biblique et sa connaissance de la langue hébraïque qu’il faut sans doute chercher le point de départ : en adhérant à l’éphémère ligue catholique des « Amis d’Israël » (1926-1928), Marie-Benoît a d’ores et déjà renoué le lien entre le peuple de l’Ancien Testament et les Juifs contemporains. Maritain, Jules Isaac, Pie XII, qui accorde à Marie-Benoît une audience le 16 juillet 1943 : beaucoup d’autres noms passent dans ces pages d’une richesse qu’on ne peut ici résumer, avant comme après le conflit. Sur les Capucins, peu fréquentés par l’historiographie, l’ouvrage apporte aussi beaucoup de choses et met en avant d’autres figures comme le P. Callixte Lopinot, qui participe en 1947 à la Conférence judéo-chrétienne de Seelisberg, ou le fameux Padre Pio. Jusque dans son grand âge, la fidélité de Marie-Benoît aux nombreuses amitiés juives nouées dans l’action clandestine marque du « signe juif » le reste de sa vie.

Michel Fourcade

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