97, rue H. Barbusse 92110 CLICHY

Distribution : HACHETTE | Diffusion : Réginald Gaillard | gaillard.reginald@gmail.com

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Revue NUNC n°34

10,0022,00

Edition standard
Parution octobre 2014
Disponible en version papier / numérique

UGS : ND Catégories : ,

Description

Dossier consacré à HILLESUM Etty
Avec des oeuvres de BOISSOUDY (de) François

Informations complémentaires

Version

Papier, Numérique

SOMMAIRE

Liminaire

Réginald Gaillard & Franck Damour Nunc, revue hospitalière

Nicolas Idier « Une conscience forcée hors de sa retraite. » 
Pierre Ryckmans, alias Simon Leys (1935-2014)

Shekhina

Brigitte Donat Retraits

Dossier : « Etty Hillesum » sous la direction de Marie-Hélène du Parc Locmaria
M.-H. du Parc Locmaria Introduction
Philippe Noble La fin de la famille Hillesum : Westerbork et après
Daniel Cunin Au sujet de Mischa
Laurence Brisset « Un tout petit mot à dire »
M.-H. du Parc Locmaria Le souffle d’une écriture ou l’Engendrement par la parole.     
Etty Hillesum : pourquoi une telle audience ?
Ingmar Granstedt Des relations sans fin
Nadia Neri Etty Hillesum et C. G. Jung (traduction d’Anne Thielen)
Monique-Lise Cohen Etty Hillesum. Chemin de prière et d’écriture (la voix et la patience)
Karima Berger Intérieurs – Hineinhorchen. Fîhî mâ Fîhî
François Marxer Etty Hillesum, lectrice de Rainer Maria Rilke
ou les amours d’une belle infidèle 
M.-H. du Parc Locmaria La loi de l’amour

Axis mundi
Christophe Langlois Pierre d’homme
Elsa Ballanfat Regards croisés sur le sacrifice : de Vaslav Nijinsky à René Girard
François-Xavier Maigre Poèmes
Pierre Monastier Poèmes

Cahier critique Sabine Fos-Falque, Jacques Lusseyran, Nathanaël Dupré La Tour et un collectif sur Charles Péguy

L’ensemble du numéro est accompagné d’encres de François-Xavier de Boissoudy.

LIMINAIRE

In memoriam PP Pasolini,
Pour son film Evangile selon saint Matthieu, dédié à Jean XXIII

Dans notre dernière livraison (1) nous avons placé, en ouverture du numéro un « in memoriam Karol Wojtyla et Angelo Giuseppe Roncalli », deux ecclésiastiques dont les hautes figures, selon nous, peuvent inspirer notre temps : le premier, théologien, homme de théâtre et poète, a lutté contre les totalitarismes nazi et communiste ; le second a été proposé par d’éminentes figures juives pour recevoir le titre de Juste car il a, pendant la Seconde Guerre mondiale, sauvé plusieurs milliers de juifs menacés de mort. à la fin de leur carrière ecclésiastique, ils ont été pape sous les noms, respectivement, de Jean-Paul II et Jean XXIII… Que cet hommage ait concerné deux hommes sous leur nom « civil », et non sous les noms qu’ils choisirent lorsqu’ils devinrent pape, n’est pas un détail négligeable : c’est avant tout à ces deux hommes, pour l’intégralité de leur vie, que notre signe faisait référence suite à leur canonisation au printemps dernier. Comme tous les autres in memoriam qui ouvrent chacun de nos numéros, ils faisaient écho non aux textes de ce numéro, et singulièrement à ceux du dossier du numéro, mais à l’ensemble du projet éditorial de Nunc.
Cependant, cela a choqué et a même été perçu comme une forme de violence par certains auteurs du dossier Joë Bousquet. Nunc a reçu de leur part une lettre collective où ils s’offusquaient de la mention de ces deux hommes d’Eglise en ouverture du numéro, se sentant comme pris en otage. Alors : que cela soit dit, sans détour, et clairement : jamais notre intention ne fut de blesser les auteurs de ce numéro ; encore moins de les enrôler sous une bannière catholique. Ce que la plupart des auteurs du numéro ont bien compris, comme les plus de 600 auteurs qui ont participé à l’aventure de Nunc depuis douze ans. Auteurs dont la plupart ne sont pas catholiques, pour autant que nous puissions le savoir, car nous ne demandons à personne de préciser son appartenance religieuse ou idéologique pour paraître dans nos pages ! Tous sont bienvenus, dès lors qu’ils partagent avec nous une même conviction : le monde n’existe que par notre sens de l’hospitalité. Un sens d’autant plus décisif pour Nunc qu’elle a une grande part de ses racines – sans que cela soit exclusif – dans la culture chrétienne.

Nunc est une revue libre de toute institution, indépendante et, oui, encharnée dans le souffle chrétien, pour le reprendre le mot du socialiste Péguy. A la lecture de nos premiers numéros, certaines voix s’étaient élevées pour nous reprocher de ne pas afficher une ligne éditoriale claire. Elles avaient raison, et c’était tout à fait volontaire de notre part : nous avions refusé tout texte programmatique, préférant un dévoilement au fil des numéros (cf liminaire Nunc n°1 & 2), ce qui nous laissait une liberté absolue, et une ouverture constante à l’inconnu. Cela nous a permis de tisser un « christianisme en filigrane » comme l’a décrit Robert Scholtus. Après douze ans d’une vie chaotique, et 33 numéros parus, il ne fait plus mystère que Nunc est une revue de sensibilité chrétienne qui a consacré des dossiers à Jean-Louis Chrétien, Jean-Luc Marion, Andrei Tarkovski, Jean-Claude Renard, Jean Grosjean, Pierre Emmanuel, Marcel Jousse, sans parler de tous ceux publiés en marge des dossiers, poètes, essayistes et artistes. Enracinée, entée et, pour cela même, hospitalière.
Nunc n’a pas d’autre ligne de front que celle qui délimite ceux, d’une part qui sont ouverts à l’échange, à la traversée de lieux qui ne sont pas forcément les leurs, et ceux, d’autre part, qui lèvent haut leur serpent de bronze, les identitaires de tous acabits, que ce soit d’un point de vue spirituel ou politique. A ceux qui préfèrent l’affrontement stérile, qui ont besoin d’un os à ronger pour se sentir exister, nous vous le disons dès maintenant : vous ne ferez que nous traverser, sans nous toucher, et nous continuerons d’avancer, libres.

Jean Paulhan écrivait à Jean Guéhenno, en 1932, que « la NRF n’est pas une revue politique, mais littéraire : je veux dire qu’elle attend des lettres une révélation de l’humain plus authentique, plus entière que de n’importe quelle doctrine sociale ou politique ». J’ajouterai « que de n’importe quelle doctrine religieuse » également. Toutefois, Nunc n’attend pas uniquement des lettres cette révélation de l’humain plus authentique ; elle l’attend aussi de l’art, de la philosophie, de la théologie, de la prière, etc., en un mot : de toute activité de l’esprit.
Nunc ne s’interdit rien ; elle se nourrit de tout ce qui est susceptible de nourrir et grandir notre humanité. Ce que nous écartons : ce qui divise, abaisse, avilit. Voilà notre ligne de front.
Notre souci premier, depuis douze ans, est l’hospitalité. Sinon, quel sens cela aurait eu de publier Anne Teyssiéras, Lorand Gaspar, Salah Stétié, Nicolas Rozier, Werner Lambersy et tant d’autres qui, sans y adhérer totalement, connaissaient parfaitement les fondements de la revue Nunc et y ont trouvé ce sens de l’hospitalité qui, seul, nous tient ensemble ?

L’hospitalité est ce qui définit l’homme. Elle n’est pas une qualité supplémentaire, une option qui ferait de nous un parfait gentleman, un soupçon de distinction. Non, l’hospitalité est l’essence de l’homme, elle dit l’essence de l’homme. Toutes les cultures humaines le savent et en ont fait une valeur cardinale, prioritaire sur tout – sauf les cultures modernes et post-modernes. L’hospitalité dit comment l’expérience de l’étrangeté est au cœur de l’expérience de l’humanité.
Sans doute, cela a-t-il commencé dans un coin de désert, autour d’un puits. Quelques tentes dressées, un vieil homme attend. Il attend un fils. Et dans la sixième heure – ou était-ce la neuvième ? –, trois hommes, des étrangers – leurs habits, leur allure, leur langue, tout le dit – surgissent. Le vieil homme s’affaire, il appelle ses serviteurs, on dresse banquet, on puise de l’eau. Sans doute, ce repas est-il pris en silence. Sans doute, le vieil homme est-il resté à l’écart. Mystère de la rencontre. Les étrangers s’avèrent être un. Signes de l’Étranger. Celui dont on ne peut prendre la mesure. L’Incommensurable. Qui nous heurte, nous déplace, nous nomadise.
Alors le vieil homme se met en marche à son tour, emportant ses tentes pour les étoiles. Il se met en marche et arrive là où il est, à son tour, étranger, le signe de l’Étranger. Incommensurable à son tour.
C’est ce double mouvement que décèle le double sens du mot « hôte », à la fois celui qui reçoit et celui qui est reçu. L’ambivalence du mot – déjà présente dans le latin – n’est pas ambiguïté : elle dit seulement la dynamique vitale à l’œuvre dans l’hospitalité. Dynamique vitale et existentielle, comme un exercice en humanité qui nous donne à rencontrer en chacun cet Expatrié par excellence – Dieu. En effet, les commentateurs juifs, puis chrétiens, puis musulmans, ont vu, dans ces trois étrangers venus visiter le vieil homme Abraham, la manifestation de Dieu. Manifestation qui donne au vieil homme un enfant inespéré. Manifestation qui révèle le vieil homme à lui-même : c’est la visite des étrangers qui lui rappelle sa condition d’étranger. Initie une traversée de soi. De son propre désert.
Mais il n’est peut-être pas indispensable d’y voir la trace de Dieu. Certains pourront y lire celle du « dehors » (pour reprendre l’expression de Pierre Zaoui). Ou de l’Autre (dans la lignée de Lévinas par exemple). Ou encore, pour ceux qui préfèrent le pluriel à la majuscule, les dieux, les dehors, les autres. A chacun de décider quel nom donner à cette expérience de l’exil si urgent en notre temps : « Il permet l’ironie qui dégonfle les faux sérieux et ne cherche pas à mettre du Sens ou des Valeurs ou des Identités à chaque coin de rue. Il permet une innocence qui dégonfle l’ironie auto-instituée, cette distance automatisée qui structure l’indifférence et nous arrache à l’exil. Il permet l’engagement qui n’oublie jamais la personne et la contemplation qui ne se prend pas pour le tout du monde. Cette expérience de dessaisissement est le chemin contemporain de l’homme. » (Liminaire de Nunc n°7, avril 2005).

Mais cette traversée n’est possible que si l’on sait accueillir l’autre, sans le juger, ni sans se déjuger – ce qui implique un respect mutuel de ce qu’est l’autre. Et elle n’est possible, cette traversée, que si l’on sait aller chez l’autre sans le juger, ni sans se déjuger. Pour que l’hospitalité se fasse rencontre – et non indifférence, et non ce relativisme idéologique qui masque si mal la bien-pensance –, il faut accepter une traversée de son identité, ce qui suppose d’avoir conscience de ses racines, de ses héritages, de ses trahisons. Ce qui suppose d’accepter l’autre dans son altérité.
L’hospitalité est le premier acte qui fonde un monde commun. Où une parole partagée est possible.

(1) NUNC n°33, juin 2014. Dossier Joë Bousquet ; cahier Poésie polonaise ; cahier Poésie Grecque, etc.

DOSSIER

Dossier consacré à HILLESUM Etty

GALERIE

Avec des oeuvres de BOISSOUDY (de) François