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BARBEY d’AUREVILLY Jules

Romancier, essayiste

Photographie de Jules Barbey d’Aurevilly par Félix Nadar

Écrivain français (Saint-Sauveur-le-Vicomte 1808-Paris 1889).

Jeunesse :

Rouge aux lèvres, rose sur les joues, les cheveux teints passant du noir au bronze suivant la date de la teinture, des bagues à la main, un corps massif sanglé dans une redingote juponnée, cravate verte et gilet diapré, Barbey d’Aurevilly surprit ses contemporains. Mais son œuvre, singulièrement originale, étonne encore, pour autant que, en dépit de ses artifices et de ses effets voulus, elle unit l’éclat de l’imagination à la richesse d’un verbe romantique et raffiné. Jules Barbey naît le 2 novembre 1808, et ce n’est qu’en 1837 qu’il ajoutera à son nom celui d’« Aurevilly ». Adolescent, il s’initie aux classiques et à Byron, et poursuit ses études au collège Stanislas, à Paris. Il fait son droit à Caen, et se lie avec Trébutien, un libraire de huit ans plus âgé que lui, et avec Maurice de Guérin.

Revenu à Paris une première fois en 1833, puis définitivement en 1837, il mène une existence tapageuse de dandy, se mêlant aux milieux littéraires et commençant sa carrière de journaliste et d’homme de lettres. L’opium et l’alcool, « la Maîtresse Rousse », dira-t-il, sont ses maîtres. Ses premières œuvres ne sont pas éditées ou le sont à faibles tirages grâce aux soins du fidèle Trébutien. Ses débuts de journaliste sont ingrats, et il doit quelque temps se contenter d’écrire dans un journal de modes, sous un pseudonyme féminin.

L’année 1841 marque son retour au catholicisme, mais à un catholicisme intransigeant et excessif. 1845 voit la publication d’un essai biographique, Du dandysme et de G. Brummell.

Six ans plus tard paraît Une vieille maîtresse. Bon observateur des passions et des mœurs de son époque, Barbey se vante d’avoir « un peu éclairé… ces obscurs replis entortillés et redoublés de l’âme humaine », et de la sienne notamment, car on ne saurait douter que le héros du roman, Reyno de Marigny, tour à tour débauché, orgueilleux, tendre et insolent, lui ressemble comme un frère. L’Ensorcelée date de 1854, et le roman est consacré à la gloire de la chouannerie bas-normande. « J’ai voulu faire du Shakespeare dans un fossé du Cotentin », déclare Barbey. La peinture de son héros, l’abbé de La Croix-Jugan, est hallucinante par la passion que ce prêtre au visage mutilé inspire à une fermière. Le Chevalier Des Touches(1864), l’œuvre la plus populaire, met en scène un jeune serviteur de la cause royaliste, chéri par ses partisans, haï de ses ennemis, redouté des uns comme des autres. Dans Un prêtre marié (1865), Barbey se pique d’avoir réuni « tous les genres d’arômes concentrés qui font le terroir », et parmi eux il cherche avant tout à faire sentir « l’arôme des mœurs anciennes » dont demeure imprégné son pays natal. Sombreval, ce prêtre marié qui méprise toutes les traditions, reste néanmoins un père ; il ne vit plus que pour sa fille Calixte, qui, de son côté, n’existe que pour sauver du châtiment suprême l’âme paternelle.

En 1859, Barbey s’était établi au 29, puis au 25 de l’étroite rue Rousselet. C’est là qu’il restera jusqu’à sa mort, trente ans plus tard ; c’est là aussi que viennent lui rendre visite les hommes de lettres débutants de la fin duxixe s., tels Bourget, Bloy, Péladan, Coppée. Mais son abord hautain, ses sarcasmes, ses caprices tiennent à l’écart ceux qui pourraient deviner en lui un être attachant, malgré son masque distant et héroï-comique. Sa compagnie la plus fidèle reste les Diaboliques (1874) : « Ce charmant monde est fait en sorte que si vous suivez simplement les histoires, c’est le diable qui paraît les dicter », dit l’épigraphe. Ces six nouvelles sont des peintures d’âmes démoniaques ; Barbey se propose de « terroriser le vice » par la hideur de scènes vraies. Il y révèle ses dons de conteur très sûr de ses effets. L’ouvrage sera saisi, et une partie de l’édition détruite. Toutefois, son succès engage son auteur à renchérir encore en horreur dans uneHistoire sans nom, récit d’une énigmatique aventure où les amateurs d’émotions mélodramatiques peuvent trouver leur compte. Désormais, sollicité par les éditeurs et les directeurs de journaux, le « Connétable des Lettres », entouré d’une cour d’admirateurs, continue à écrire : la mort l’enlève le 23 avril 1889, en plein travail. Son influence n’a cessé de grandir. Léon Bloy et Georges Bernanos peuvent se réclamer de lui.