Description
« La lecture d’un premier recueil est comme celle d’une lettre d’amour et j’ai reçu de vous, Madame, en pleine figure, vos gifles de pollen et d’abeille, comme des rafales, des moussons cinglant mes joues de fraîcheur, réveillant mes doigts engourdis à ce projet de vous écrire une lettre.
J’ai tourné les pages avec douceur comme on tourne le dos au doux vacarme soyeux du quotidien, avec pudeur aussi, écartant une à une les peaux de ce fruit souverain mûri dans votre coeur.
J’ai pensé à mon épouse, à toutes les Pénélope cousant et décousant leur désir jusqu’à se cacher nue comme sous le drap de leur peau, vêtues, dans l’océan de leurs fantasmes, des seuls frissons d’un voyage intime vécu plus scintillant qu’une nuit d’étoiles filantes.
J’ai pensé à votre joie et à votre chagrin noués ensemble dans une promesse faites à vous-même, d’aller jusqu’au bout, et j’ai senti sur le papier le rouge de vos joues, le salé de vos larmes, mais pour aller jusqu’au bout de quoi ? Écrire ?
Je voudrais souffler pour vous et sur votre front penché ici des mots et des phrases de cristal qui puissent ne rien encombrer ni troubler de votre don ; vous renvoyer une image claire et pure de qui vous êtes dans cet amour infini, oui, cet amour qui, à force d’éclore, par petites phrases jetées comme des coups de couteau dans le corps de la rose, nous donne dans les yeux une eau qui apaise.
Madame, votre lettre d’amour est une lettre d’espoir, une missive écrite à vous-mêmes, une invite à vous ailer, vous aimer, un élan vers la vie qui couve dans votre regard penché ici dans la lumière du poème, et chaque syllabe est ciselée par les rêves les plus fous, les plus sages, les audaces qu’en secret vous répétez, inventez pour votre élu, celui qui à chacun de vos soupirs pensera à vous comme vous penserez à lui.
La souffrance y a cousu des cicatrices aux fils d’or. Ces mots qui me viennent, c’est peut-être ce que vous aurait confié, de sa belle écriture d’ogre, l’ami des coquelicots, Christian Bobin. C’est aussi en pensant à la pure tendresse, à la violente bienveillance de son regard posé sur le monde que je vous tends ce miroir. »
Dominique Sampiero