Description
96 p., broché, 12 x 18 cm
Parution février 2017
Note introductive
Composé après l’Exil, le Livre de Tobit est un des sommets de la littérature juive, puisant à la fois dans la sagesse hébraïque et dans celles des peuples voisins. Composé sans doute entre le IIIe et le IIe siècle avant J.C., il est proche de toute une littérature sapientiale comme le Livre d’Ahikar alors très connu dans tout le Proche orient antique. Ce livre propose, à travers la fiction d’un récit d’éducation, une sagesse sous forme de maximes délivrées par le sage Ahikar à son neveu, l’inconstant Nadan. Le Livre de Tobit reprend en partie la structure de la Sagesse d’Ahikar. écrit en araméen, mais connu de nous seulement à travers sa version grecque, Tobit est absent des bibles hébraïques. Il témoigne d’une période dans l’histoire de la pensée juive où l’ouverture aux cultures hellénistiques ne représentait pas un danger mais l’occasion de mieux penser leur condition.
Ce roman populaire narre les aventures de deux familles juives déportées en Assyrie, du côté de Ninive. Familles pieuses, fidèles à la Loi, elles sont frappées par le sort : dans l’une, Tobit, le chef de famille, perd la vue ; dans l’autre famille, la jeune Sara, promise à des noces prochaines, est soudainement possédée par un démon qui tue tous ses prétendants. Entendant leurs prières, Dieu décide de les guérir et leur envoie un ange, Raphaël, qui assiste le jeune Tobias envoyé par son père pour récupérer une somme d’argent. Tobias sauve et épouse Sara, puis guérit son père. Raphaël révèle alors sa véritable nature et disparaît, laissant le fils et le père se reconnaître. Cette fin n’est pas un retour, mais un accomplissement, une promesse du salut.
Le récit est rempli de détails, faisant de ce récit mouvementé, loin de toute préoccupation historique, un conte pittoresque appartenant à « la littérature de caravansérail », sorte de récit picaresque avant l’heure : voyages, rebondissements, miracles, sexe, crime y abondent. Tobit renoue avec l’allure des récits de la Genèse : les personnages voyagent, se perdent pour se retrouver, les générations s’entrechoquent, et surtout en-deçà de son ton enlevé, il en conserve la vision du monde. L’errance des patriarches permet de relire sa situation d’exil et de diaspora. Avec l’espérance que la Terre promise est au bout du chemin et de l’errance.
Mais un récit porteur de leçons de sagesse. L’auteur s’adresse aux Juifs de la diaspora, minorités vivants dans des cultures étrangères. Pour préserver leur identité, les Juifs doivent tenir à quelques principes : la famille est le lieu où la nation se perpétue et se transmet ; la fidélité à Dieu doit se traduire dans l’action, dans le souci des autres. Il les exhorte à ne pas se laisser aller à la fatalité, à apprendre à lire dans des épreuves a priori incompréhensibles, un chemin que Dieu leur ouvre comme un appel à faire confiance en son action. Une des particularités du Livre de Tobit est cet ange qui prend figure humaine, voyage avec un chien pour joyeux compagnon. Cet ange à face humaine marque une étape dans la représentation que les Hébreux se font de l’action de Dieu : « providence personnifiée », nous dit Paul Beauchamp, cet ange est sagesse de Dieu qui se fait errante à nos côtés : Rembrandt a su en rendre compte admirablement dans ses eaux-fortes.
La piété dont font preuve les héros ne contredit pas une certaine bonhomie, un ton volontiers ironique : Tobit et les siens sont caricaturés autant que mis en valeur. D’ailleurs, ce conte amusant et railleur mobilise largement la galerie des personnages de la Bible hébraïque, des patriarches aux prophètes ou Job, démontrant la puissance de la fiction et de la narration à mettre en route les hommes. Tobit est une histoire qui raconte l’Histoire de Dieu parmi les hommes, une histoire cocasse et profonde à la fois, tissée d’humour et d’espérance.